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Retour sur le Forum Sport FEI 2024 : Quelles perspectives des contrôles anti-dopage en matière de sports équestres ?

Lors du dernier forum de la Fédération Équestre Internationale (FEI), tenu en avril 2024, les membres du comité et divers experts se sont réunis pour discuter de potentiels changements dans la règlementation anti-dopage applicable aux chevaux.

La refonte des règles applicables au contrôle dopage des chevaux n’est pas acté, le forum a été l’occasion de mener une consultation sur le sujet des contrôles hors compétition notamment.

Le 26 juin 2024, une première ébauche de la refonte des règles anti-dopage applicables aux chevaux devrait être publiée par la FEI. Il est important de noter que puisque l’équitation est un sport olympique, les règles antidopage équines devront être approuvées par l’Agence mondiale Antidopage (AMA).

Il est prévu que les premières étapes de cette initiative commencent dès janvier 2025, avec une phase pilote visant à tester et affiner les procédures. La mise en œuvre complète et l’intégration des nouvelles règles dans le règlement antidopage de la FEI sont programmées pour le début de l’année 2026.

Alors que les contrôles antidopage en compétition sont bien établis, les contrôles hors compétition demeurent un sujet complexe et controversé. Ce forum a permis de mettre en lumière les défis logistiques, juridiques et éthiques associés à cette initiative, ainsi que d’explorer des solutions potentielles basées sur des expériences internationales réussies.

 Les contrôles antidopage hors compétition visent à prévenir l’utilisation de substances interdites en dehors des compétitions officielles, où les chevaux peuvent être préparés avec des moyens illicites pour améliorer leurs performances. La Fédération Équestre Internationale (FEI) reconnaît cette nécessité mais constate que, malgré les possibilités offertes par l’article 5.1 du règlement anti-dopage de la FEI, ces contrôles sont rarement mis en œuvre en pratique.

Les discussions récentes mettent en lumière deux difficultés : déterminer la responsabilité des contrôles hors compétition mais également accéder aux lieux d’hébergement des chevaux.

1. La détermination de la personne responsable

Cette question fait l’objet de vifs débats, c’est pourquoi il est intéressant de s’intéresser à ce qui a été mis en œuvre à l’international et en matière de courses hippiques.

Un des débats centraux concerne la personne désignée comme personne responsable des contrôles hors compétition.

En endurance, il est relativement simple de désigner l’entraîneur, déjà fortement impliqué dans la gestion quotidienne des chevaux. Cependant, pour des disciplines comme le dressage ou le saut d’obstacles, où les chevaux peuvent être sous la supervision de propriétaires résidant dans différents pays, la situation se complique.

D’autant plus que les chevaux de compétitions voyagent beaucoup et peuvent circuler dans toute l’Europe et à l’international.

Un des participants a soulevé l’exemple d’un test hors compétition en Espagne lors de laquelle la question de la responsabilité s’est posée de manière aiguë : est-ce le cavalier professionnel, qui n’est pas physiquement présent, ou le propriétaire, qui gère les soins à distance, ou encore l’entraîneur local ?

Un concept potentiel est de considérer que, par défaut, le propriétaire du cheval devrait être la personne responsable, mais en pratique, les propriétaires sont souvent en retrait en ce qui concerne l’entrainement du cheval et peuvent ne même pas connaitre leur localisation.

L’une des possibilités qui a été mentionnée est de contraindre les athlètes à déclarer à la FEI la personne responsable. Cependant, un risque a été mis en lumière : que ce soit l’époux ou une personne tierce non décisionnaire, tel que le groom, qui soit renseignée en personne responsable.

Il apparait donc nécessaire de proposer une liste limitative de personnes pouvant être déclarées responsable du cheval tels que le propriétaire, l’entraineur, le cavalier, le vétérinaire.

Il existe également d’autres exemples, notamment l’Allemagne qui a mis en place des contrôles hors compétition pour les membres des équipes nationales dans les disciplines olympiques. Ces contrôles sont effectués en collaboration avec une organisation extérieure, et reposent sur des contrats bilatéraux entre les athlètes et la fédération.

Ce système garantit que les cavaliers soient conscients de leurs obligations et acceptent les conséquences en cas de non-conformité, ils sont notamment nommés comme les personnes responsables, ce qui ne pose pas de réelles difficultés.

En Irlande également, les contrôles anti-dopage à l’entrainement se sont particulièrement développés depuis ces dernières années. Notamment grâce à l’évolution de la règlementation nationale qui a permis aux vétérinaires en charge des contrôles d’accéder aux lieux d’entrainement des chevaux de courses. En outre, il est rappelé que les entraîneurs de chevaux de courses sont soumis à des conditions d’obtention de licence ce qui impose également des obligations en matière de contrôle anti-dopage.

Il a été précisé que les contrôles et les sanctions hors compétitions porteraient seulement sur les substances interdites et non sur les substances contrôlées dans un premier temps, ce qui permet notamment de ne pas pénaliser les cavaliers qui par exemple auraient dû soigner un cheval avec de la cortisone alors que ce dernier était au repos à l’écurie.

2. Les moyens d’accéder aux chevaux pour réaliser les contrôles anti-dopage 

Il convient de s’intéresser la question de l’accès à la propriété privée (A) ainsi qu’aux substances contrôlées hors compétitions (B).

(A) La protection de la propriété privée

L’un des principaux défis de la mise en place des contrôles hors compétition, en parallèle de la détermination de la personne responsable, est le moyen d’accéder aux chevaux.

En effet, si dans les sports hippiques les chevaux se trouvent  dans des centres d’entrainements déterminés, il n’en est pas de même dans les sports équestres ou les chevaux sont amenés à se déplacer très régulièrement pour les différentes compétitions auxquelles ils participent.

Contrairement aux contrôles en compétition, les chevaux peuvent se trouver dans diverses localisations, souvent privées, rendant les contrôles plus compliqués. Selon le pays et la législation locale, la FEI pourrait être confrontée à des obstacles juridiques relatives à l’accès aux propriétés privées et pourrait ne pas être autorisée en tant que telle à pénétrer dans des propriétés privées sans que le cavalier, l’entraineur ou le propriétaire puisse se réserver le droit de refuser.

La FEI propose d’utiliser la technologie GPS via une application dédiée pour suivre en temps réel la localisation des chevaux. Cependant, des questions ont été soulevées concernant la précision et la fiabilité de cette méthode, ainsi que son acceptation par les propriétaires et entraîneurs. Cette question ne permet en tout état de cause, pas de répondre à la problématique de la propriété privée.

Lors du forum, Lynn Hillier, vétérinaire en chef et responsable de l’antidopage à l’Irish Horse Racing Regulatory Board, a partagé son expérience. Depuis 2018, l’Irlande a augmenté de manière significative les contrôles hors compétition pour les chevaux de courses, grâce à une évolution de la législation nationale autorisant l’accès sans préavis aux installations abritant des pur-sang en matière de chevaux de courses.

Cette approche a permis de surmonter les obstacles logistiques, mais soulève des questions sur son applicabilité internationale, notamment dans des pays avec des réglementations plus strictes sur la propriété privée.

Des solutions telles que des accords bilatéraux, comme en Allemagne, où les athlètes acceptent de se conformer aux contrôles en signant des contrats, pourraient être explorées. Cependant, la question reste de savoir comment ces accords peuvent être harmonisés et appliqués à une échelle mondiale. A noter que le projet sportif mis en place par la FFE contient effectivement une mention bien-être, sans pour autant aborder les questions des contrôles anti-dopage pour les athlètes de haut niveau.

(B) Les substances interdites hors compétition

Les substances interdites se répartissent en plusieurs catégories, chacune ayant des effets spécifiques sur les chevaux et leurs performances. Voici un aperçu des principales catégories et de quelques exemples de substances : stimulants, anabolisants, agents masquant, anti-inflammatoires.

Plusieurs questions ont été posées à juste titre, qui ont reçu des réponses du comité :

Quelles substances sont autorisées hors compétition ? Si je soigne mon cheval pour une raison légitime et qu’il est testé, que se passe-t-il ?

Seules les substances interdites sont concernées par les contrôles hors compétition, la liste des médicaments contrôlés n’est pour l’instant pas visée.

Pourquoi la FEI devrait-il gérer les contrôles hors compétition plutôt que les fédérations nationales, et comment cela sera-t-il financé ?

Les fédérations nationales devraient également effectuer leurs contrôles hors compétition. La FEI peut commencer par des disciplines à haut risque comme l’endurance et se développer. Le coût des contrôles hors compétition est similaire à celui des contrôles en compétition s’ils sont planifiés avec soin.

L’utilisation de vétérinaires de test et la combinaison de visites à plusieurs écuries peuvent gérer les coûts. Nous visons à déplacer certaines ressources des tests en compétition vers les tests hors compétition.

De nombreuses questions restent aujourd’hui sans réponses.

En conclusion, La FEI reconnaît l’importance d’éduquer les propriétaires, les entraîneurs et les athlètes sur les risques et les conséquences du dopage. Des programmes de sensibilisation pourraient être mis en place pour informer toutes les parties prenantes des nouvelles règles et des meilleures pratiques en matière de gestion des chevaux. L’éducation est un outil puissant pour prévenir les violations antidopage avant qu’elles ne se produisent.

Afin de mettre en œuvre un tel système, il est crucial d’adopter une approche équilibrée qui tient compte des droits et des responsabilités de toutes les parties prenantes, tout en assurant la transparence et la justice dans le processus de contrôle antidopage.

Eve MIOLANE, Elève-Avocat EFB

Holly JESSOPP, Avocat Associé

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