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Vente de cheval : responsabilité partagée entre manquement à l’obligation d’information du vendeur et négligence de l’acheteur
Il s’agit d’une décision du tribunal judiciaire de Bordeaux rendue le 10 décembre 2024 relative à un manquement au devoir d’information précontractuelle d’information dans le cadre de la vente d’une jument à un acheteur non professionnel.
Madame [G] [S] a acheté une jument, DOLIPOP, auprès du vendeur pour 12 000 euros le 23 mai 2020.
Après avoir constaté un comportement dangereux de la jument lors des concours de saut d’obstacles, elle a saisi le juge des référés du tribunal de Bordeaux. Par ordonnance du 11 octobre 2021, une expertise judiciaire a été ordonnée, et le rapport a été remis le 20 juin 2022. En février 2023, elle a assigné la SARL EQUIPALINE en indemnisation devant le tribunal. La procédure a été clôturée le 11 septembre 2024.
La question de droit qui s’est posée au Tribunal judiciaire est de savoir si le vendeur avait manqué à son obligation d’information précontractuelle au titre de l’article 1231-1 du Code civil même si l’acheteuse avait fait preuve de négligence lors de l’achat ?
En effet, l’acheteuse reprochait au vendeur d’avoir manqué à son obligation précontractuelle d’information en dissimulant les origines paternelles et les difficultés de l’animal. D’autant plus, l’acheteuse avait spécifié qu’elle voulait acquérir une jument pour sa fille de 12 ans cavalier amateur. En plus de cela, le vendeur a refusé de laisser l’acheteuse prendre la jument à l’essai pendant 15 jours. Cet essai pouvait lui faire changer d’avis et renoncer à l’achat.
Il est toutefois indiqué que la difficulté comportementale de l’animal ainsi que le lien entre ses origines (L’Arc de Triomphe) et ces difficultés étaient confirmées par un rapport d’expertise établi par un expert judiciaire désigné à cet effet. L’expert judiciaire avait en outre constaté que la jument avait deux vertèbres soudées et que le défaut de travail assidu, de surcroît par un professionnel ou amateur expérimenté, aggravait ces difficultés comportementales. En plus de tout cela, la vente s’est réalisée sans transmission de la carte de propriétaire (où figurent les origines) et le prix a été payé en espèces pour contourner la TVA. Elle avance donc un dol et une mauvaise foi.
Le Tribunal judiciaire de Bordeaux se repose sur l’article 1112-1 du Code civil qui dispose que « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant »
Il continue en affirmant que le fait de ne pas respecter cette obligation caractérise la réticence dolosive définie à l’article 1137 du Code civil, et donc entraîne l’annulation du contrat ou une action en responsabilité civile.
Il statue tout d’abord sur le manquement au devoir d’information du vendeur au titre de son obligation précontractuelle d’information au motif qu’elle ne pouvait ignorer l’origine paternelle de la jument, d’une part, mais également que ces anomalies radiographiques ainsi que le tempérament de la jument étaient déjà observables avec l’ancienne propriétaire.
Même si l’acheteuse avait insisté pour acheter le cheval, malgré les difficultés à l’essai, il appartenait au vendeur de la prévenir de la difficulté de gestion du cheval ; l’indication que la jument avait « un peu de caractère » n’était pas suffisante.
Bien que le vendeur soit responsable de ne pas avoir informé correctement Madame [S], celle-ci a également fait preuve de négligence en n’étant pas suffisamment prudente lors de l’achat (absence de contrat, pas de visite vétérinaire, peu d’essais).
La part de responsabilité de Madame [S] est évaluée à 20 %.
En conséquence, le tribunal judiciaire de Bordeaux condamne le vendeur à indemniser l’acheteuse à hauteur de 80% du montant de la perte de valeur du cheval, une selle sur mesure ainsi que divers frais de coaching.
Nous précisons qu’il s’agit d’une décision de première instance pouvant faire l’objet d’un appel dans les mois à venir.