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Responsabilité du vétérinaire pour violation de son devoir précontractuel d’information et de conseil
Dans ce dossier, un éleveur de pur-sang, avait confié une de ses poulinières à un haras spécialisé dans l’élevage et la reproduction pour insémination. Le haras faisait appel à un vétérinaire dans le cadre du suivi gynécologique.
Quelques jours après la saillie, la jument a été retrouvée morte dans son boxe. Selon l’autopsie pratiquée, elle est décédée d’un choc septique faisant suite à une péritonite septique consécutive à une lacération rectale.
A la suite d’une expertise judiciaire, l’éleveur avait assigné le vétérinaire en responsabilité pour violation de son devoir précontractuel d’information et de conseil, notamment pour ne pas l’avoir informé des risques de lacération rectale inhérents au suivi gynécologique par examen transrectal.
Après avoir perdu en première instance, l’éleveur s’est rapproché de notre cabinet afin de nous demander de le défendre en appel.
En effet, selon l’article R. 242-48 du Code rural et de la pêche maritime, le vétérinaire doit informer le propriétaire des risques relatifs à son intervention.
Or, dans cette affaire, le vétérinaire était bien en possession d’une fiche précontractuelle d’information indiquant « chez la jument, l’examen transrectal peut provoquer, dans de très rares cas, des complications allant de la lacération de la muqueuse rectale à la perforation du rectum« .
Toutefois, alors que le vétérinaire était en mesure de prouver avoir remis la fiche au directeur du haras, il n’établissait pas pour autant la remise de la fiche à notre client.
Or, le directeur du haras, n’avait pas reçu de mandat de représenter notre client auprès du vétérinaire dans le cadre du suivi gynécologique.
En conséquence, la Cour d’appel de Bordeaux a jugé que le vétérinaire avait bien engagé sa responsabilité au titre d’une violation de son devoir précontractuel d’information et de conseil.
Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence constante en matière de suivi gynécologique par voie transrectale depuis l’arrêt de la Cour de cassation dit « Agenais » selon lequel, d’une part, le mandat donné par le propriétaire d’une jument à un directeur de haras d’assurer la fécondation de sa jument ne s’étend pas à la pratique d’un examen échographique comme méthode de diagnostic et, d’autre part, il appartient au vétérinaire d’obtenir de la propriétaire de la jument l’autorisation de pratique une échographie de contrôle dans la mesure où cet acte comporte un risque mortel.
Cela reste toute de même une victoire en demi-teinte pour notre client.
En effet, par une appréciation souveraine, la Cour d’appel de Bordeaux a considéré que le préjudice de perte de chance de notre client n’était que de 5%.
Une appréciation souveraine qui rejoint un autre arrêt très récent, cette fois-ci rendu par la Cour d’appel de Poitiers le 13 décembre 2022, dans le cadre d’une castration d’un cheval de course.
Dans cet arrêt, le vétérinaire n’aurait pas recueilli le consentement éclairé du propriétaire du cheval, euthanasié après avoir chuté lorsqu’il essayait de se relever à la suite de l’intervention (fracture de l’humérus).
Dans notre affaire, la Cour d’appel de Bordeaux reprend à l’identique le raisonnement utilisé précédemment par la Cour d’appel de Poitiers : « la perte de chance de prendre une décision ayant évité le risque mortel apparaît dans ces conditions très faible, et sera évaluée à 5%« .
Un élément important à prendre en compte dans l’appréciation de l’opportunité d’une action en justice en responsabilité vétérinaire sur le fondement du devoir précontractuel d’information et de conseil.
Holly Jessopp – Avocat Associé