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La nécessité d’une dissimulation claire et prouvée pour établir le dol : les limites des allégations orales
La 5ème chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux a rendu une décision le 19 novembre 2024 concernant une demande d’indemnisation pour dissimulation dolosive d’informations par le vendeur dans le cadre d’une vente de cheval.
En août 2017, Madame [S] achète la jument AWAM DE CHAMBINES à son coach, Monsieur [R]. Après l’achat, la jument devient boiteuse et ne peut plus participer à des compétitions et ne peut être valorisée en vue d’une revente.
Madame [S] avait alors contacté la propriétaire précédente du cheval, qui l’avait initialement revendu comme poulinière au motif que son vétérinaire lui aurait conseillé de mettre fin à la carrière sportive de la jument. Toutefois, il n’y aucune preuve écrite de cette recommandation.
En outre, Madame [S] disposait toutefois d’un compte-rendu d’imagerie médicale réalisé un avant la vente concluant à l’existence d’une bursite naviculaire. Or, ce compte-rendu ne permettait en aucun cas de prouver l’existence de cette recommandation d’arrêt de carrière sportive.
En outre, dans le cadre de l’expertise judiciaire, l’expert n’a pas confirmé l’existence d’une boiterie franche à l’examen et, en tout état de cause, ne conclut pas l’impossibilité médicale de poursuivre définitivement une carrière sportive.
Dans ce cas précis, l’existence d’une boiterie ainsi que les allégations verbales de l’ancienne propriétaire constituent elles la preuve d’une dissimulation dolosive permettant d’annuler la vente ?
Elle affirme que le vendeur a commis un dol en dissimulant volontairement le passé médical de la jument. En effet, ayant une boiterie intermittente qui l’a conduit à rompre sa carrière, par conséquent, elle ne devait pas être vendue comme un cheval de sport. Mme [S] n’aurait pas acquis cette jument si elle en avait été informée, car elle avait l’intention d’effectuer des compétitions de saut d’obstacle et pour but après de la revendre.
Rappelons que d’après l’article 1137 du Code civil, « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. / Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. »
Le tribunal juge que Madame [S] échoue dans la démonstration de l’existence d’une information certaine relative au passé médical de la jument et sur l’incompatibilité de ce passé avec la pratique sportive avant la vente. Il n’y a donc pas de dol caractérisé.
En outre, le tribunal relève que Madame [S] a passé engager la jument en concours pendant deux ans, sans difficulté.
À notre sens, il s’agit d’une affaire vouée à l’échec. En effet, une demande d’annulation de vente pour dissimulation dolosive doit être fondée sur une dissimulation d’information établie et prouvée.
Or, dans cette affaire, la demande était établie sur des allégations verbales de l’ancien propriétaire sans aucune confirmation par écrit.
En outre, la sortie en compétition de la jument pendant deux ans sans difficulté particulière ainsi que la conclusion de l’expert judiciaire qui ne constate aucune boiterie le jour de l’examen constituent la preuve certaine que la jument pouvait être engagée en compétition.
Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 19 novembre 2024 (n° 22/01482)