- Accueil
- Responsabilité contractuelle : la location de carrière de course n’est pas un contrat de pension
Responsabilité contractuelle : la location de carrière de course n’est pas un contrat de pension
La Cour d’appel a rendu un arrêt le 7 mars 2025 relatif à la preuve en matière de responsabilité contractuelle.
La location d’une carrière de courses n’est pas un contrat de pension
[D], propriétaire d’une jument de courses au trot, a conclu un contrat de location de carrière de course avec M. [X], entraîneur de chevaux de courses au trot.
Peu de temps après, la jument a présenté des signes d’essoufflement et une épistaxis lors d’un entraînement, a été hospitalisée puis euthanasiée quelques jours plus tard.
[D] a assigné M. [X] en dommages-intérêts, lui reprochant un manquement à ses obligations d’information, de sécurité et de soins en raison d’un usage non conforme d’antibiotiques dans son écurie.
Une expertise judiciaire a été ordonnée, aux termes de laquelle l’expert a conclu que « l’usage d’antibiotiques de façon irraisonnée est la preuve même de problèmes infectieux récurrents dans son écurie » et que « le fait d’avoir des stocks antibiotiques et de les utiliser permet de suspecter l’antériorité d’une infection dans l’effectif global de l’entraîneur ».
Dans un premier temps, le tribunal a procédé à la qualification du contrat en considérant qu’il s’agissait d’un contrat de louage et non pas d’un contrat de dépôt salarié.
En effet, à la différence du contrat de dépôt, le contrat de location confie à l’entraîneur l’usage et la jouissance du cheval, dépassant ainsi le cadre juridique du contrat de dépôt salarié.
Le propriétaire avait tenté de faire requalifier le contrat de location de carrière de courses en contrat de dépôt (pension) afin de bénéficier d’une charge de preuve allégée. En effet, la responsabilité d’une écurie au titre d’un contrat de dépôt salarié est celle d’une obligation de moyens renforcée. Autrement dit, la charge de la preuve est inversée et il revient au dépositaire de prouver ne pas avoir commis de faute.
La responsabilité de l’entraîneur dans le cadre du contrat de location de carrière de courses relève du droit commun : il revient donc au propriétaire d’établir la preuve d’un manquement contractuel, d’un lien de causalité et d’un préjudice, conformément aux articles 1231-1 et 1353 du Code civil.
Le propriétaire a tenté de faire valoir un manquement de l’entraîneur à son obligation d’information contractuelle, au motif que celui-ci n’avait pas informé le propriétaire du risque infectieux dans son écurie.
Il est rappelé que le contrat de location de carrière de courses prévoit une obligation d’information aux termes de laquelle l’entraîneur devait tenir le propriétaire informé de l’état de santé et de l’entraînement de la jument.
Cependant, le tribunal a considéré que les conclusions de l’expert selon lesquelles l’utilisation non conforme d’antibiotiques dans l’écurie de l’entraîneur (parce que « c’est une pratique courante dans le milieu des courses ») étaient trop circonstanciées pour prouver un fait générateur de responsabilité à l’origine de l’émergence de bactéries résistantes dans son écurie mettant en danger la santé des chevaux ; que la jument a contracté une telle bactérie résistante, ou que l’infection pulmonaire a été causée avec certitude par une bactérie.
Cette décision est intéressante car elle aborde la différence de régime juridique entre le contrat de location d’une carrière de courses et un contrat de pension ainsi que les conditions permettant d’engager la responsabilité contractuelle de l’entraîneur.
L’entraîneur tenu par une obligation d’entretien et de conservation d’un cheval n’est pas automatiquement le gardien du cheval aux termes d’un contrat de pension.
En outre, la décision est particulièrement intéressante car elle revient sur l’importance du lien de causalité entre le manquement contractuel et le dommage.
Le manquement à des consignes sanitaires par l’entraîneur n’est pas un manquement à son obligation d’information contractuelle au titre du contrat de location de carrière de courses.
En revanche, le fait de ne pas informer le propriétaire de blessures et de l’état de santé d’un cheval peut engager la responsabilité de l’entraîneur, surtout lorsque celui-ci ne fait appel à un vétérinaire (CA Agen 10 septembre 2014)