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Accident au pré et responsabilité

Le gérant d’une pension pré est blessé lorsqu’il est bousculé par l’un des trois chevaux dans le pré, appelé URANUS.

Sur les trois chevaux présents au pré, deux appartenaient au gérant blessé et le troisième, URANUS, appartenait à un propriétaire tiers, de surcroît mineur et donc représenté par ses parents.

En conséquence, le gérant blessé a assigné le propriétaire d’URANUS devant le Tribunal judiciaire de Montpellier en réparation de ses préjudices, notamment la perte de gains professionnels, déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et un préjudice esthétique permanent.

Parmi les raisons justifiant l’assignation du propriétaire du seul cheval dont il n’était pas le propriétaire, Monsieur X soutenait qu’URANUS était le cheval ferré et qu’une marque de fer avait été constatée sur sa poitrine.

La Cour d’appel rappelle que « si le propriétaire d’un animal ou celui qui s’en sert pendant qu’il est à son usage est responsable du dommage que l’animal a causé, il appartient tout d’abord à celui qui se dit victime du dommage de rapporter la preuve de ce que l’animal est à l’origine de son dommage« .

En conséquence, le gérant blessé devait effectivement établir qu’URANUS était à l’origine de l’accident dont il disait avoir été victime le 7 mars 2015.

Or, le gérant blessé ne versait aux débats qu’une déclaration sur l’honneur du propriétaire mineure des faits reconnaissant l’implication d’URANUS dans l’accident, alors qu’elle n’avait pas été témoin de l’accident ainsi qu’une déclaration d’un expert sur le comportement des chevaux en groupe.

En outre, les déclarations médicales versées aux débats ne faisaient nullement état d’une marque de fer sur sa poitrine.

En conséquence, le gérant blessé était dans l’incapacité de démontrer que c’était le cheval URANUS qui est à l’origine des dommages subis.

En conséquence, la responsabilité de son propriétaire ne pouvait être retenue.

(Cour d’appel de Montpellier – 5e chambre civile – 9 mai 2023 n°20/01442).

Certificat d’immatriculation du cheval et présomption de propriété

Une nouvelle affaire portant sur la valeur juridique du certificat d’immatriculation d’un cheval.

Pour rappel, le certificat d’immatriculation n’est pas un titre de propriété (contrairement à une carte grise de voiture, par exemple). Il ne s’agit, au mieux, que d’une présomption simple de propriété.

Dans cette affaire, un cheval avait été remis à un cavalier professionnel selon un contrat allégué « tous frais, tous gains » aux termes duquel le cavalier professionnel devait récupérer 20% du prix de revente en rémunération des frais engagés.

En conséquence de quoi, les parties auraient convenu d’inscrire le cavalier professionnel sur le certificat d’immatriculation en qualité de « copropriétaire » à hauteur de 20%. Le cavalier aurait, par la suite, donné ses 20% à son épouse peu de temps avant son décès.

Le cavalier professionnel est décédé et sa veuve a proposé de revendre amiablement sa « part » de 20% auprès du propriétaire initial du cheval, laquelle a refusé tout en revendiquant l’entière propriété du cheval.

Par la suite, la veuve a saisi le tribunal en liquidation de l’indivision entre les parties, demandant le règlement des 20% de la valeur du cheval.

Conformément à une jurisprudence constante en la matière, la Cour d’appel a jugé que « en l’absence de toute trace écrite ni verbal à l’appui des certificats à l’Institut français du cheval et de l’équitation et à la Fédération française d’équitation qui sont insuffisants. »

« La demande fondée sur la seule présomption de propriété audits certificats ne peut pas prospérer« .

Cour d’Appel d’Agen 29 mars 2023 n°22/00056

Holly Jessopp – Avocat Associé

Contrat de débourrage et responsabilité contractuelle de l’écurie prestataire

CA Limoges – chb. Soc. 23 mars 2023 n°22/00149

Dans cette affaire, une pouliche de sport avait été placée dans une écurie au titre d’un contrat de débourrage, lequel prévoyait, « le débourrage d’un cheval en vue de son utilisation sous la selle. Le débourrage ne consiste pas en un dressage complet. Le cheval doit accepter le harnachement complet nécessaire à son utilisation, accepter le cavalier et pouvoir se mouvoir aux 3 allures sur des aides légères ».

Un soigneur est entré dans son boxe pour lui faire un pansage, alors que la jument n’était pas sortie depuis 48 heures à cause d’une panne de tracteur.

En conséquence, et sans surprise, la jument a essayé de sortir du boxe, le soigneur a fait un geste brusque pour qu’elle reste dans le boxe et la tête de la jument est venue heurter violemment le montant droit en béton du boxe, se blessant à l’œil gauche.

Pour rappel, les contrats de pension équestre font l’objet d’une application distributive.

Ainsi, les dommages survenus lors des périodes de repos et de boxe relèvent du régime contractuel du contrat de dépôt, les dommages survenant lors des périodes de travail relèvent du contrat d’entreprise.

La conséquence principale de cette application distributive se situe au niveau de la charge de la preuve d’une faute : en effet, lorsque le dommage survient en dépôt, c’est à au dépositaire (donc l’écurie) de prouver ne pas avoir commis de faute dans l’exécution du contrat.

La Cour d’appel de Limoges juge tout d’abord que l’accident est survenu dans le boxe et donc dans le cadre du contrat de pension ou de dépôt.

Une conclusion assez logique à première vue et qui découle d’une interprétation stricte des termes du contrat de débourrage « débourrage d’un cheval en vue de son utilisation sous la selle. Le débourrage ne consiste pas en un dressage complet. Le cheval doit accepter le harnachement complet nécessaire à son utilisation, accepter le cavalier et pouvoir se mouvoir aux 3 allures sur des aides légères »

Toutefois, le débourrage reste une prestation de travail particulière puisqu’il s’agit d’une prestation devant inclure un certain travail de préparation en amont de chaque séance de travail.

En débourrage, l’on ne peut pas se permettre de passer un coup de brosse rapide sur le cheval avant de mettre la selle et monter.

La phase de préparation, à notre sens, fait partie intégrante de la prestation de débourrage.

La description contractuelle de la prestation de débourrage dans le contrat, notamment « le cheval doit accepter le harnachement complet nécessaire à son utilisation » manquait peut-être de précisions sur l’importance de la phase de préparation avant les séances de travail.

En tout état de cause, la Cour d’appel de Limoges ne l’a pas entendu ainsi.

En conséquence, l’écurie devait prouver ne pas avoir commis de faute dans le cadre de l’exécution du contrat de pension.

La Cour d’appel a jugé que le fait de laisser la pouliche au box pendant deux jours et geste brusque du soigneur pour l’empêcher d’en sortir étaient constitutifs d’un manquement par l’écurie de son obligation de conservation de l’animal en bonne santé.

Holly Jessopp – Avocat Associé

Contrôle fiscal et dépenses dites de « sponsoring »

Dans ce dossier, une société de négoce et de commercialisation de moyens de transport de chevaux de sport avait comptabilisé au titre des trois exercices objet du contrôle fiscal, des frais importants pour l’entretien et l’exploitation d’une écurie de chevaux de compétition (notamment, vétérinaires, maréchal-ferrant, pension etc.).

Dans le cadre d’un contrôle fiscal, l’administration fiscale avait alors refusé la déduction des charges engagées, en relevant que l’activité de participation à des concours hippiques n’était pas prévue par l’objet social de l’entreprise, et, par ailleurs, l’entreprise ne comptabilisait ni les frais d’inscription ni les gains de concours, ni les frais de transport liés aux concours.

L’administration fiscale a donc considéré que ces dépenses constituaient un acte anormal de gestion et a réintégré ces dépenses (pour environ 150k€) dans le résultat imposable de la société.

L’entreprise a contesté cette réintégration, soulevant en première instance, l’argument selon lequel il s’agissait de dépenses de publicité et de sponsoring, et donc engagées dans l’intérêt de la société.

Le Tribunal administratif de Versailles valide toutefois la position de l’administration fiscale au motif qu’il n’y avait aucun justificatif des concours réalisés, supposément dans l’intérêt de la société.

Une réintégration particulièrement douloureuse pour les parties concernées.

En effet, cette réintégration entraîne d’abord une augmentation du résultat fiscal imposable et donc de l’imposition à l’impôt sur les sociétés.

S’agissant de dépenses découlant d’un acte anormal de gestion, la déductibilité de la TVA sur ces dépenses est également remise en cause entraînant des rectifications en matière de TVA.

Enfin, dans la mesure où ces dépenses n’étaient pas faites dans l’intérêt de la société, il s’agit d’un avantage occulte consenti au gérant entraînant en conséquence des rectifications en matière d’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux du gérant.

Tribunal administratif de Versailles – 5ème chambre n°2104293

Rémunération du cavalier professionnel en cas de résiliation anticipée du contrat de valorisation

Le contentieux relatif au contrat de valorisation est assez abondant. En effet, selon les usages équestres, la fin naturelle d’un contrat de valorisation est la vente du cheval objet dudit contrat, permettant ainsi au cavalier de se rémunérer.

En effet, la valorisation du cheval ou la création d’une plus-value n’est matérialisée qu’à la vente du cheval.

Quid de la rémunération en cas de résiliation anticipée de ce contrat de valorisation ?

Dans l’affaire jugée par la Cour d’appel de Bourges (CA Bourges 2 mars 2023 n°22/00227), un contrat verbal de valorisation a été conclu entre un élevage et un cavalier professionnel au mois d’août 2018.

L’on comprend des faits que ce contrat a été conclu avec un paiement mensuel d’une pension de base à 228€ TTC et une rémunération correspondant à 50% de la plus-value réalisée à la vente.

Le 3 juillet 2020, le cavalier professionnel a été victime d’une fracture du sacrum l’empêchant de participer à des compétitions sportives sur les mois de juillet et août.

Le 17 août 2020, l’éleveur a décidé de résilier le contrat de valorisation passé au mois d’août 2018, après un préavis d’usage de 30 jours.

Alors que les parties semblaient être d’accord sur le montant des frais de pension, pour une somme forfaitaire de 228€ TTC par mois, le litige portait sur la rémunération due au cavalier professionnel au titre de la prestation de service d’entraînement et compétition de la jument.

Le cavalier professionnel a exercé son droit de rétention afin d’obtenir le paiement de sa facture d’environ 14 000€, correspondant à une refacturation d’une prestation de travail depuis le mois d’août 2018.

Le cavalier professionnel pouvait il réclamer une somme mensuelle de 619,75€ correspondant au montant d’une « pension travail » ou seulement le commissionnement de 50% de la plus-value, lors de la vente de la jument.

La Cour d’appel rappelle les termes de l’article 1165 du Code civil selon lesquels « dans les contrats de prestations de services, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation« .

Puis, la Cour d’appel rappelle que l’élevage avait confié trois autres chevaux au cavalier professionnel dans le cadre d’une prestation similaire et avait accepté de payer une mensualité de 600€ TTC, conforme aux sommes usuellement réclamées dans le marché des chevaux de sport.

Dans ces conditions, la Cour d’appel valide le raisonnement du Tribunal de première instance, jugeant que la somme de 14 816,07€ au titre des prestations de travail était bien due par l’élevage.

En outre, la Cour d’appel juge que le droit de rétention exercé par le cavalier professionnel afin d’obtenir le paiement de la facture était valide puisque la créance correspondant à la prestation de travail était certaine et exigible.

Enfin, la Cour d’appel a également confirmé l’allocation d’une indemnité supplémentaire au titre de la résistance abusive de l’éleveur, au motif que ce dernier avait manqué à son obligation de bonne foi en mettant fin unilatéralement au contrat de valorisation.

Une décision qui confère une protection certaine au cavalier professionnel face à la résiliation anticipée d’un contrat de valorisation.

En effet, en l’absence de tout contrat écrit, la Cour d’appel avait validé la rémunération du cavalier professionnel de manière rétroactive, validant également le droit de rétention exercé par ce dernier afin d’obtenir le paiement des sommes dues.

En outre, et alors qu’il s’agissait d’un contrat verbal à durée indéterminée et donc résiliable à tout moment sous réserve de respecter un préavis raisonnable, la Cour d’appel a également considéré que la décision de résilier pour cause de blessure était abusive.

C’est également une décision qui démontre l’intérêt de rédiger un contrat de valorisation, permettant de prévoir les modalités de rémunération notamment en cas de résiliation anticipée.

The ever changing landscape of stallion ownership in equestrian sports

One of the major differences between horse racing and equestrian sports resides in the commercialisation of stallions and breeding rights.

Whereas artificial insemination technics are strictly forbidden in horse racing, it is actually one of the main breeding technics used in equestrian sports.

Because of this difference, thoroughbred stud fees can rocket up to 300 000 euros per live cover, given the limited amount of live covers a stallion can actually perform each season and over its lifetime. Equestrian sports stallions can produce more offspring via artificial insemination technics and can continue to do so after they die, meaning that more quantities can be sold but for less money.

For a certain amount of time, sports stallion owners were, to some extent, able to control sales and market prices throughout an international market.  Investments were made in owning stallions on the understanding that by owning a stallion, you also retrieved exclusive ownership of its cells and sperm for the full lifetime of the stallion and even posthumously.

The initial cracks started to show in an open letter signed by important stallion groups when attending the annnual WFBSH conference in the Lion d’Angers in 2019, requesting the creation of a common database in order to control foal registrations.

Then Covid-19 hit the world and with that an increase in online auctions and internet selling making sales go up and, at the same time, reinforcing change in the stallion ownership game.

The first big litigation to hit the ground in Europe concerned Totilas, famously sold by Mr. Kees Visser to Paul Schockemöhle after the 2010 World Equestrian Games. The sale allowed Mr. Visser to keep 244 straws for his own breeding uses. 

In 2021, Mr. Visser announced the sale of his frozen semen and Mr. Schockemöhle immediately sued him on the grounds that he considered himself to be the sole and unique owner of the semen. In 2023, the Dutch courts decided that Mr. Schockemöhle was the exclusive owner of the stallion and therefore the exclusive owner of all of the semen.

The second significant litigation concerns the major French stallion owner Groupe France Elevage (GFE) and relates to another important stallion, Kannan and its ex-co-owner The Stallion Company.

GFE and The Stallion Company were co-owners of Kannan up until 2019, date upon which GFE bought The Stallion Company out. The sales agreement allegedly provided a certain amount of distribution rights concerning the semen that had already been individually collected by each party.

In the first case between the ex-co-owners; GFE sued The Stallion Company on the grounds that the sales and distribution agreement only allowed the Stallion Company to sell Kannan “covers” (“saillie”) and not semen straws.

In September 2022, the French court of Caen ruled against GFE, considering that the lack of any specification in the sales agreement meant that The Stallion Company was authorised to commercialise Kannan, in the agreed geographical zones, in any way, including the sales of straws.

GFE has decided to take this case to the French supreme court.

The second case concerns three Kannan clones, only one of which has survived. The Stallion Company had collected stem cells while it was a Kannan co-owner, two years before he was bought out by GFE. The only surviving foal was born in 2020, after The Stallion Company had been bought out by GFE.

Upon finding out, GFE requested ownership of the clone and of the genetic material that had been collected by The Stallion Company.

The French court of Angers used article 547 of the French civil code according to which ownership of an object implies ownership of all objects that it is susceptible to produce. This article was first enacted in 1804, at a time when nobody could predict the cloning of animals and the legal consequences.

This is a major decision under French law as it confirms that clones and the genetic property used to create it are the automatic property of the owner of the original product.

The French court stated that the clone was born in 2020, time at which GFE was the sole and exclusive owner of Kannan. Accordingly, the court ruled that GFE is therefore also sole and exclusive owner of the clone; despite the fact that the stem cells used to create it were collected while GFE and the Stallion Company were co-owners.

The remaining unused genetic material collected by The Stallion Company during the co-ownership period belongs to both parties.

It also leads a new line of questioning regarding the automatic ownership of straws and semen. We can imagine the way GFE, as well as many other stallion owners, would like to use this decision to reinforce their rights on semen.

Will a French court go as far as considering that semen straws are also “industrial fruits”, therefore meaning that the stallion owner is automatically the owner of all semen straws, unless provided otherwise?

Finally, a recent case which has been entrusted to our firm concerns a pre-litigation information request in which a major stallion owner has asked an online auction organiser to provide the EU sanitary documentation which, according to the stallion owner, proves that the litigious straws were legally purchased.

This litigation is additionally significant and shows that there is no clear legislation regulating the commercialisation of semen.

Because of this legal void, stallion owners are reaching out and asking for the extension of EU sanitary regulations, requiring sperm collection and freezing centres to issue sanitary certificates when sending sperm in France and throughout the world.

In this case, the stallion owner claims this sanitary regulation also applies to the commercialisation of straws and semen, meaning that any individual selling or purchasing sperm should be able to provide the sanitary evidence that the sperm has been sold and dispatched legally.

The reasoning is complicated and may actually create more issues than it is meant to solve.

Indeed, the EU sanitary regulations is in place to limit the development of illness and diseases when collecting and transferring sperm. The regulations apply to sperm collection and freezing centres because these are the entities who control the processes and are therefore logically liable in the event of a sanitary regulation breach.

Any extension of this EU sanitary regulations to stallion owners, which seems far reaching, could also entail an extension of their liability to guaranteeing that the collection and freezing sperm centres comply with all sanitary regulations.

The decision will be rendered by the French courts in May.

It is clear that stallion ownership is currently becoming a major issue in the equestrian world, and it seems that the major stallion players have decided to ask the courts to try and fill the legal void.

This strategy, whether it be profitable or not to stallion owners and breeders, shall have a deep impact on the international market.

Indeed, there is no guarantee that all courts from different countries will decide in the same manner. On the contrary, there is a strong probability that stallion owners will have different rights based on where the stallions are based and the law which applies to their commercialisation.

We therefore strongly recommend that anybody wishing to invest in sport horse stallions and their commercialisation request legal advice to protect their rights and investments.

Holly Jessopp, Partner.

contact@inscio.fr/holly.jessopp@inscio.fr

Les expertises sur équidés relèvent quasi exclusivement du monopole des vétérinaires

L’avis du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires a été sollicité sur la question suivante : « un non vétérinaire peut-il intervenir comme expert d’assurance pour rendre un avis sur des sinistres impliquant des équidés du moment qu’il ne pratique aucun acte de médecine ou de chirurgie des animaux ni ne donne aucun avis concernant ces actes« ?

Par avis du 8 décembre 2022, le Conseil de l’Ordre répond par la négative.

En effet, le Conseil de l’Ordre rappelle que toute mission d’expertise impliquant l’examen clinique ou l’analyse documentaire d’une altération physique, physiologique ou de l’état de santé d’un animal consécutive à un événement ou à l’intervention d’une tierce personne constitue un acte vétérinaire relevant de l’exercice réglementé de la profession vétérinaire, et cela même la mission d’expertise inclut également des aspects visant à évaluer les responsabilités ou les conséquences financières.

En revanche, les missions d’expertise en matière animale qui ne visent pas le champ de l’acte de médecine et de chirurgie des animaux, ou les conséquences de tels actes peuvent être réalisées par toute personne ayant les compétences requises.

Et, par sécurité, le Conseil de l’Ordre conclu en considérant qu’une expertise, dès lors qu’elle comporte seulement une partie relevant de la définition de l’acte vétérinaire, ne peut qu’être confiée dans son intégralité à un vétérinaire, tant dans la maîtrise d’œuvre et les débats que dans la rédaction du rapport.

Pour rappel, l’exercice illégale de la profession de vétérinaire est sanctionné au titre de l’article L.243-1 du Code rural et de la pêche maritime.

Responsabilité du vétérinaire pour violation de son devoir précontractuel d’information et de conseil

Dans ce dossier, un éleveur de pur-sang, avait confié une de ses poulinières à un haras spécialisé dans l’élevage et la reproduction pour insémination. Le haras faisait appel à un vétérinaire dans le cadre du suivi gynécologique.

Quelques jours après la saillie, la jument a été retrouvée morte dans son boxe. Selon l’autopsie pratiquée, elle est décédée d’un choc septique faisant suite à une péritonite septique consécutive à une lacération rectale.

A la suite d’une expertise judiciaire, l’éleveur avait assigné le vétérinaire en responsabilité pour violation de son devoir précontractuel d’information et de conseil, notamment pour ne pas l’avoir informé des risques de lacération rectale inhérents au suivi gynécologique par examen transrectal.

Après avoir perdu en première instance, l’éleveur s’est rapproché de notre cabinet afin de nous demander de le défendre en appel.

En effet, selon l’article R. 242-48 du Code rural et de la pêche maritime, le vétérinaire doit informer le propriétaire des risques relatifs à son intervention.

Or, dans cette affaire, le vétérinaire était bien en possession d’une fiche précontractuelle d’information indiquant « chez la jument, l’examen transrectal peut provoquer, dans de très rares cas, des complications allant de la lacération de la muqueuse rectale à la perforation du rectum« .

Toutefois, alors que le vétérinaire était en mesure de prouver avoir remis la fiche au directeur du haras, il n’établissait pas pour autant la remise de la fiche à notre client.

Or, le directeur du haras, n’avait pas reçu de mandat de représenter notre client auprès du vétérinaire dans le cadre du suivi gynécologique.

En conséquence, la Cour d’appel de Bordeaux a jugé que le vétérinaire avait bien engagé sa responsabilité au titre d’une violation de son devoir précontractuel d’information et de conseil.

Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence constante en matière de suivi gynécologique par voie transrectale depuis l’arrêt de la Cour de cassation dit « Agenais » selon lequel, d’une part, le mandat donné par le propriétaire d’une jument à un directeur de haras d’assurer la fécondation de sa jument ne s’étend pas à la pratique d’un examen échographique comme méthode de diagnostic et, d’autre part, il appartient au vétérinaire d’obtenir de la propriétaire de la jument l’autorisation de pratique une échographie de contrôle dans la mesure où cet acte comporte un risque mortel.

Cela reste toute de même une victoire en demi-teinte pour notre client.

En effet, par une appréciation souveraine, la Cour d’appel de Bordeaux a considéré que le préjudice de perte de chance de notre client n’était que de 5%.

Une appréciation souveraine qui rejoint un autre arrêt très récent, cette fois-ci rendu par la Cour d’appel de Poitiers le 13 décembre 2022, dans le cadre d’une castration d’un cheval de course.

Dans cet arrêt, le vétérinaire n’aurait pas recueilli le consentement éclairé du propriétaire du cheval, euthanasié après avoir chuté lorsqu’il essayait de se relever à la suite de l’intervention (fracture de l’humérus).

Dans notre affaire, la Cour d’appel de Bordeaux reprend à l’identique le raisonnement utilisé précédemment par la Cour d’appel de Poitiers : « la perte de chance de prendre une décision ayant évité le risque mortel apparaît dans ces conditions très faible, et sera évaluée à 5%« .

Un élément important à prendre en compte dans l’appréciation de l’opportunité d’une action en justice en responsabilité vétérinaire sur le fondement du devoir précontractuel d’information et de conseil.

Holly Jessopp – Avocat Associé

Les enjeux de la propriété par accession de l’article 547 du Code civil face au clonage

Depuis 2003, les techniques de clonage sont déployées dans la filière équine avec des objectifs variés.

Parmi les exemples connus, Tomatillo, clone du cheval de complet de William Fox Pitt Tomarillo qui avait été reproduit dans un but de reproduction et de recherche génétique afin de pallier la castration de Tomarillo.

Aussi, l’étalon Chilli Morning, également complice de William Fox Pitt a été cloné trois fois : Deuce, Trey & Quattro sont actuellement sous la selle de Gemma Tattersall.

Dans cette affaire, il est question d’un autre grand étalon de sport décédé : Kannan.

En effet, de 2009 à 2019, l’étalon Kannan faisait l’objet d’une copropriété établie entre une importante société d’élevage français et un étalonnier tiers.

Puis, en 2019, compte-rendu des tensions entre les copropriétaires, la société d’élevage a décidé de racheter les parts restantes, mettant fin à la copropriété et devenant ainsi le propriétaire unique de Kannan.

Peu de temps après, la société d’élevage a découvert que l’autre copropriétaire avait prélevé des cellules souches sur Kannan à des fins de clonage en 2017, alors qu’il était encore copropriétaire.

Ce premier clone, Kannai, est né le 22 février 2020, soit postérieurement à la sortie de l’indivision et a priori enregistré directement au nom du copropriétaire sortant.

La société d’élevage a donc contesté la propriété de Kannai et demandé la restitution des cellules souches.

Aux termes d’un de la Cour d’appel d’Angers du 31 janvier 2023, la société d’élevage a eu gain de cause, récupérant ainsi la pleine propriété du clone de l’étalon Kannan.

La Cour d’appel rappelle les termes des articles 544 et 547 du Code civil relatifs à la propriété par accession, avec une application particulière au cas d’espèce,

« En l’absence de convention, il est de principe, au regard des dispositions susvisées et sur le fondement de l’article 544 du code civil que la propriété d’une chose comprend virtuellement celle des objets qu’elle est susceptible de produire, soit spontanément, soit à l’aide du travail de l’homme, ainsi que celle des émoluments pécuniaires qu’on peut en retirer.« 

La Cour d’appel d’Angers ordonne en conséquence,

  • La restitution de 70% des cellules souches prélevées sur Kannan en 2017 à la société d’élevage, correspondant ainsi à sa part de propriété indivise à cette date; et
  • La restitution du clone Kannai à la société d’élevage au motif qu’il est né vivant et viable le 22 février 2020, date à laquelle la société d’élevage était le propriétaire unique de Kannan, et constitue ainsi un « fruit industriel » au sens de l’article 547 du Code civil.

« La société […] atteste de la naissance de ce clone, le 22 février 2020, produisant d’ailleurs des photographies du poulain. Au jour de la naissance de celui-ci, la SAS […] était seule propriétaire de l’animal Kannan et ce, dans les suites de la convention de cession du 2 juillet 2019 mettant un terme à la copropriété indivise avec la société. »

Aux termes de cet arrêt, sauf accord contraire, le propriétaire du produit cloné serait donc automatiquement propriétaire du(des) clone(s), sous réserve qu’il soit en soit propriétaire à la date de naissance du clone.

Bien-être du cheval de nouveau en piste !

Le 5 février 2023, deux manifestants végans se sont introduits sur la piste du Jumping de Bordeaux, avec écrit « Stop horse sport » sur leurs torses, en grosses lettres noires.

Physiquement escortés hors la piste puis placés en garde à vue, cet épisode rappelle l’importance de l’opinion public sur les sports équestres et hippique ainsi que les dangers de l’entre-soi.

Mais pas que.

Les sports équestres et hippiques doivent, pour continuer à exister, obtenir et maintenir une licence sociale c’est à dire une validation d’une activité par la Société, un contrat non-écrit entre le public et une industrie.

En 2022, la FEI s’était saisie du sujet en créant une commission dédiée à l’étude du bien-être des chevaux dans les sports équestres dont l’objectif principal est d’adresser les inquiétudes du public relatives au bien-être des chevaux dans les sports équestres, en réponse à des réactions de plus en plus vives au sujet des sports équestres.

« Dans une société en constante mutation, dans laquelle les perceptions et les normes évoluent à une vitesse rapide, la FEI doit adresser les inquiétudes et critiques formulées par le grand public et le public équestre de manière claire et transparente« .

FEI

La FEI avait alors mené deux études afin d’accueillir les avis, d’une part du public équestre, d’autre part du public non équestre.

Pour le public non équestre:

  • 67 % des participants considèrent que les chevaux n’apprécient pas la participation à des sports équestres ou alors de temps en temps.
  • 66 % du public non équestre est concerné par le bien-être et la sécurité des chevaux utilisés pour des sports équestres.
  • En France, plus de 60% du public interrogé considère que les standards en matière de bien-être doivent être améliorés.

Pour le public équestre, dont plus de 40% des participants considèrent que le cheval est un membre de la famille,

  • 50% des participants considèrent que les chevaux n’apprécient pas les sports équestres, ou alors seulement de temps en temps,
  • 78% des participants considèrent que les standards en matière de bien-être doivent être améliorés.
  • 75% des participants sont inquiets par l’utilisation des chevaux pour des sports équestres.

Lors du forum organisé par la FEI sur le concours complet à Jardy du 20 au 22 janvier 2023, les membres de la commission FEI dédiée au CCE ont formulé trois grandes préconisations:

  • Ne pas seulement promouvoir le bien-être des chevaux parce que c’est la « bonne chose à faire » mais s’engager activement à le mettre en oeuvre,
  • Comprendre la responsabilité de chacun et l’impact de ses actions/mots et l’utilisation des images,
  • Adresser activement les inquiétudes liées à cette Licence Sociale.

L’on a pu lire les commentaires de la directrice du Jumping de Bordeaux, Sabine ZAEGEL, « ils se trompent complètement car ils manifestent dans un événement de sport de haut niveau où tout est fait pour le bien-être du cheval. »

C’est vrai.

Le haut niveau se doit d’être exemplaire parce qu’il est davantage sous les projecteurs, c’est effectivement la garantie de l’obtention de cette licence sociale.

Le haut niveau bénéficie également des moyens économiques et financiers permettant de garantir le bien-être des chevaux.

L’avenir des sports équestres et des courses hippiques est cependant dépendant de la capacité des acteurs de la filière équine à évoluer et intégrer activement le bien-être dans ses activités professionnelles.

Toujours faut-il être en mesure de définir ce qu’est le bien-être des chevaux.